Coupe du monde tous les 2 ans, peut-être une bonne idée chez les féminines
Alors que la FIFA mène actuellement une campagne pour faire valider son projet de coupe du monde tous les 2 ans, l’Europe du football conduit l’opposition. Cette réforme, dont elle est totalement contre, pourrait altérer durablement la qualité et la compétitivité des championnats continentaux. Sauf peut-être sur un point particulier : le football féminin. Tentative d’explication.
Pour beaucoup, c’est presque fait. L’Afrique a dit oui, l’Asie semble partante, en Amérique du Nord voire en Océanie, idem. Finalement, si l’on doit respecter la démocratie internationale du football, l’avenir serait tourné vers la coupe du Monde tous les deux ans, avec un début dès 2028 voire 2030.
Ce projet, pourtant, reste profondément critiqué par les pays, les fédérations et les clubs européens. Récemment, le syndicat des clubs, l’ECA, a voté à l’unanimité son opposition à la coupe du monde tous les deux ans, qu’il jugerait « dangereux pour l’intégrité physique et psychologique des joueurs ». Même son de cloche du côté d’European Leagues, le syndicat des championnats européens, et de la FIFpro, le syndicat international des joueurs.
Il y a néanmoins un point qui s’assure une adhésion presque collective, ou en tant cas n’a pas provoqué certains remous de la part des officiels et des observateurs du foot, c’est la question du calendrier de la coupe du monde féminine. En effet, dans le projet mené par la FIFA, les équipes masculines tout autant que les équipes féminines sont concernées. On souhaite assurer une compétition internationale tous les ans, des coupes continentales aux mondiaux, à la fois pour les garçons et pour les filles.
Du côté masculin, c’est la fronde et l’opposition, chez les Européens, mais absolument rien chez les féminines. Au contraire, on semble accepter cette idée et la soutenir. Récemment, l’UEFA a même publié un communiqué de presse critiquant l’idée d’un mondial biannuel chez les garçons mais applaudissant le projet chez les filles, estimant que cela pourrait assurer un renforcement de la popularité de ce sport encore trop fragile.
En fait, il faut revenir à des considérations purement économiques pour comprendre ce postulat, et plus particulièrement microéconomiques. Lorsqu’on parle, et qu’on critique, la coupe du monde tous les deux ans chez les hommes, on cite la loi des rendements décroissants et l’utilité marginale décroissante, en considérant que trop d’événements risquerait de tuer l’intérêt, que d’offrir trop de football, trop de matchs pourrait altérer l’envie et la passion des fans, sans noter les effets délétères pour les joueurs. Alors pourquoi ce processus ne s’opérerait pas chez les filles et que l’idée d’un mondial tous les deux ans, chez elles, serait plutôt, théoriquement, une bonne idée ?
Parce que l’utilité marginale est d’abord une courbe positive avant, jusqu’à un certain point, de passer sous la barre du zéro. Vous n’avez rien compris ? C’est parce qu’il faut revenir aux fondamentaux de la microéconomie. L’utilité mesure le plaisir, le bonheur de consommer un bien ou un service particulier. Dans notre cas, le plaisir de regarder un match de foot. En économie, on suppose que l’objectif est de maximiser cette utilité. Pour ce faire, on va chercher à fixer l’utilité la plus haute en fonction du nombre de biens utilisés. Il convient d’utiliser le concept de marginalité, autrement l’utilité marginale, qui correspond ici au gain supplémentaire de la consommation d’un bien supplémentaire étudié.
Dans notre cas, l’utilité marginale correspondrait donc au plaisir, au bonheur octroyé par la consommation, le visionnage, d’un match supplémentaire. Les économistes acceptent la saturation et posent que cette utilité marginale est décroissante dans le temps, au fur et à mesure que l’on consomme le bien, son intérêt décroît. « Je regarde un match de foot, ca va. Je regarde 100 matchs de foot, ça commence sérieusement à m’ennuyer ». C’est exactement la même chose avec une tartine de pâte à tartiner, « une tartine ça va, une deuxième très bien, une vingtième, il y en a marre ».
Pour calculer l’utilité marginale, la théorie pose la dérivé. Là, il faut revenir aux cours de lycée, où l’on apprenait que lorsqu’une dérivé est positive, la courbe correspondante est croissante et lorsque la dérivé est négative, la courbe est décroissante. Ainsi, dans notre exemple, on nous dit que l’utilité marginale, consommer de plus en plus de matchs, est décroissante. Or, on ne part pas de zéro, la première utilité est forcément élevée (le premier match vu est, par nature, intéressant, sinon on ne commencerait pas à regarder un match de foot) et ensuite décroit dans le temps. Donc, au début, l’utilité marginale est positive et, au fur et à mesure qu’on regarde des matchs, devient négative. C’est à ce moment que le dégoût s’opère. En revenant à la définition de la dérivé, on peut alors conclure que si l’utilité marginale, qui est la dérivé de l’utilité, est d’abord positive puis négative, cela signifie que l’utilité est d’abord croissante, puis décroissante.
C’est pour cette raison théorique que la coupe du monde féminine tous les deux ans semblerait plus intéressante, voire plus pertinente, que la coupe du monde tous les deux ans chez les masculins. Parce que l’utilité de départ n’est pas la même. Chez les garçons, nous sommes déjà lourdement abreuvés de rencontres à succès, entre les matchs de championnats, de coupes d’Europe, de sélections, etc.
Alors que chez les filles, les matchs de clubs ne marchent pas, sont peu médiatisés et peu valorisés. Lorsque viennent les matchs de sélections, quelque fois ils marchent, mais pas toujours. L’utilité est donc à un niveau plus faible que celle chez les garçons, le point de saturation n’est pas encore atteint. Ce qui devrait ainsi assurer un succès, en tout cas une bonification de la médiatisation du football féminin, effet bien plus important, si l’on suit les concepts théoriques, que chez les garçons.