L’avenir des compétitions sportives internationales
La coupe du monde de football au Qatar a débuté et, avec elle, son lot de critiques justifiées. On reproche en effet aux organisateurs une compétition ubuesque, dans des stades climatisés, aux émissions carbones catastrophiques, à l’heure du déréglément climatique, sans parler des conditions des travailleurs et des errements en matière des droits de l’Homme et des droits LGBT+.
C’est simple, le Qatar coche toutes cases de la détestation populaire. Seulement, lorsqu’on écoute ses partisans et ses défenseurs, on devine que ces critiques n’ont pas lieu d’être, puisque ces défaillances étaient aussi présentes lors des éditions précédentes. Les compétitions sportives d’envergure internationale ont toujours été des gabegies environnementales, des puits sans fond en matière d’émission de gaz à effet de serre. La Russie, aujourd’hui cloué au pilori pour son entrée en guerre contre l’Ukraine, était acclamée et applaudie 4 ans plus tôt, en 2018, alors même que là-bas, l’homosexualité était aussi réprimée, et que le pays avait déjà annexé la Crimée, en 2014.
Idem au Brésil, avec des manifestations réprimées par la force, des mouvements populaires écrasés, et des conditions de travail délirantes sur les chantiers de la compétition. Et que dire de la coupe du Monde en Afrique du Sud, dans un pays aux normes sociales et économiques catastrophiques. Pourtant, le mouvement populaire ne semble apparaitre que cette année, en 2022, contre le Qatar.
Et heureusement qu’il a lieu. Car trop c’est trop. En plus d’un sentiment d’accumulation, ce qu’il se passe, aussi, c’est un bouleversement des consciences. Il y a un avant et un après 2022, il y a un éveil et une prise de conscience. Dorénavant, le dérèglement climatique n’est plus un lointain futur, incertain et fictionnel, mais une réalité. Il a suffi d’un seul été pour que nous nous rendions compte des réalités prédites par le GIEC et les scientifiques sur le climat : sécheresses, canicules et feux de forêt. Le cocktail a été éclairant et éclatant et nous oblige maintenant à réfléchir plus sérieusement sur nos actes, nos décisions et nos modes de vie.
Il n’est plus temps de laisser couler et de fermer les yeux. Côté sport, c’est donc le Qatar qui subit le premier cette indignation collective, ce réveil des pensées. Mais il ne faudra pas s’arrêter là, sitôt le mondial terminé. Il faudra continuer à s’imposer une réflexion sur les modalités de désignation et d’organisation des compétitions, il faudra réfléchir sur ce gigantisme, avec dès 2026 une coupe du monde à 48 nations ou en 2029, des Jeux Asiatiques d’Hiver en Arabie Saoudite, dans des montagnes désertiques, sans neige.
Précédemment, nous n’y faisions pas attention et soulignions plutôt le côté universaliste du sport, qui offrait au plus grand nombre une chance de participer à l’engouement populaire. Maintenant, il s’agirait plutôt de défendre notre intérêt collectif, celui de vivre en parfaitement communion avec la planète et la nature. Pour ce faire, des réformes doivent avoir lieu au niveau des instances et des fédérations, avec une poussée par l’action collective et populaire, comme le mouvement boycott Mondial.
Les organisations doivent comprendre que pour que le sport continue ainsi, il va devoir vivre avec son temps et s’adapter aux nouvelles conditions climatiques et économiques. Des compétitions hors-sols, dans des infrastructures gargantuesques, avec des déplacements de populations colossaux, en avion, avec des émissions carbones gigantesques, cela ne peut plus se produire.
En économie du sport, des choses sont d’ores et déjà portées, comme la proposition d’imposer à ce qu’un pays devienne hôte non pas une seule fois en 4 ans mais deux fois sur 8 ans. Cela permettrait en effet d’assurer un étalement plus long des coûts économiques, sociaux et environnementaux, d’éviter les probables éléphants blancs, ces infrastructures à l’abandon après l’évènement, de s’assurer un héritage avec une compétition qui aurait lieu deux fois dans le pays. Par exemple, Paris 2024 a, pour le moment, consacré 3 milliards d’euros à la construction d’infrastructures sportives et extra-sportives. A supposer, avec cette proposition, qu’on lui accorde deux fois les Jeux, les coûts seraient divisés par 2. Idem côté émission, puisque moins de constructions, moins de pollution.
Mais on peut même aller plus loin dans ce genre de raisonnement. Concernant spécifiquement les Jeux Olympiques, certains experts préconisent d’accorder ad vitam aeternam à Athènes l’organisation des JO. Ville olympique par excellence, elle a déjà les infrastructures datant de 2004. Cela permettrait d’assurer le symbolisme de l’histoire tout en minimisant le plus possible les émissions carbones en faisant l’économie d’investissements pharaoniques.
Maintenant, au-delà de ces réflexions et de ces propositions, qui ont le mérite d’exister, il faut aussi sensibiliser vers plus de sobriété, plus de frugalité, accepter une forme de ralentissement. Devons-nous encore accepter des compétitions mondiales avec plus de 20.000 sportifs et 2 millions de touristes supporters ? L’innovation et le progrès technique n’ont malheureusement pas permis le ralentissement des gaz à effet de serre, c’est même tout l’inverse qui se produit. Alors si l’on veut vraiment changer, peut-être faudrait-il passer par une forme de décroissance sportive...