Roland-Garros : monument en péril ?
Alors que va bientôt commencer la 119 e édition des Internationaux de France de tennis, à Roland-Garros, après un premier report, en mai dernier, pour cause de covid19, les organisateurs s’inquiètent. Les nouvelles mesures sanitaires risquent d’entraver durement un tournoi plus que centenaire.
Comme le Tour de France, qui s’est terminé dimanche 20 septembre dernier sur la victoire du slovène Tadej Pogačar, plus jeune vainqueur de l’histoire, Roland-Garros a été victime de l’épidémie de coronavirus. Les célèbres internationaux de France n’ont pas échappé à la crise sanitaire et ont été annulés puis reportés du 27 septembre au 11 octobre 2020.
UN TOURNOI MAINTENU A TOUT PRIX
Alors que tous les fans de la balle jaune avaient l’habitude de suivre les exploits de Rafael Nadal, de Roger Federer ou de Serena Williams en juin, en pleine fin de printemps, sous le soleil parisien de la Porte d’Auteuil, tout a été décalé, tout repensé, tout révolutionné.
Heureusement, la compétition aura lieu, mais l’inquiétude n’en reste pour autant pas moins présente, et elle est sévère. Le seul tournoi du Grand-Chelem sur terre battue vit en grande partie grâce aux droits de diffusion internationaux, représentant plus de 160 millions d’euros sur un chiffre d’affaires, l’année dernière, de 280 millions d’euros. Soit 60% du budget. Le fait que Roland-Garros ait lieu sauve quelque peu les meubles, mais ce n’est pas suffisant.
Une autre partie des gains, la billetterie, sera quant à elle totalement grevée et altérée. Alors qu’elle rapportait 40 millions d’euros sur chaque édition, alors que la Fédération Française de Tennis, propriétaire des infrastructures, avait acté la rénovation et l’agrandissement du lieu, avec pour la première un court avec un toit, ayant nécessité 380 millions d’euros de frais de modernisation, les nouvelles mesures sanitaires vont bloquer toute croissance.
D’une capacité de plus de 40 000 spectateurs, avec des loges VIP et des salons premium très lucratifs, la jauge avait été, une première fois, abaissée à 11 500, comptant à la fois 5000 spectateurs pour le Court Philippe Chatrier, 5000 spectateurs pour le Court Suzanne Lenglen et 1500 pour le Court Simonne Mahieu, soit quasiment 30% du total, les organisateurs sont revenus aux 5000 spectateurs maximums.
La préfecture privilégiant en effet le contrôle des flux de population plutôt que des entrées stade. Qu’il y ait ou pas 3 enceintes sportives à Roland Garros, peu importe, il fallait s’éviter les masses compactes à l’extérieur de la zone, prenant les transports en commun et circulant dans les rues. La capacité billetterie va donc être diminuer de plus de 87,5%.
Mais, après les annonces du gouvernement, de nouvelles mesures sanitaires pour lutter contre la propagation du coronavirus ont été imposées avec l’interdiction des rassemblements de plus de 1000 personnes dans les départements en zone rouge. A Paris donc. Le tournoi serait alors potentiellement joué intégralement à huis clos. La capacité billetterie va donc peut-être être supprimée.
LE PRIZE-MONEY EN BAISSE
Conséquence pour les joueurs et les joueuses, le prize-money a été réduit et recalculé, avec un partage plus égalitaire compensant la perte globale. On passe donc de 42 millions d’euros de dotations financières l’année dernière à 38 millions d’euros pour cette édition.
En détail, on a une baisse de plus de 30% pour les vainqueurs et une hausse de 33% pour les premiers éliminés. Par exemple, alors que la saison dernière, Rafael Nadal avait empoché un chèque de 2,3 millions d’euros, le lauréat et la lauréate de cette année repartiront avec 1,6 millions d’euros. Quant aux finalistes, 850 000 euros contre 1,18 millions d’euros. En bas de tableau, les participants sortis dès le premier tour percevront 60 000 euros contre 46 000 euros l’année dernière.
PRIZE-MONEY DES SIMPLES MESSIEURS ET DAMES EN 2020
- Vainqueur : 1,6 million d’euros
- Finaliste : 850 500 euros
- 1/2 finale : 425 250 euros
- 1/4 finale : 283 500 euros
- 8e finale : 189 000 euros
- 3e tour : 126 000 euros
- 2e tour : 84 000 euros
- 1er tour : 46 000 euros
Pour l’instant, la diminution du prize-money, de 4 millions d’euros, ne permettra pas de compenser la perte due aux mesures sanitaires, notamment avec la jauge de spectateurs fixée à 5000. Sans compter sur les assurances potentielles à souscrire, la renégociation certaine des contrats droits TV et des partenariats commerciaux, avec une visibilité à la baisse. Les organisateurs devront trouver un moyen de stabiliser leur trésor de guerre au risque d’altérer durablement l’un des plus grands joyaux du sport français.
Pierre Rondeau