La richissime économie de NFL

La richissime économie de la NFL

Pierre Rondeau

Alors que le championnat nord-américain de foot US s’est achevé le 8 février dernier sur le sacre des Buccaneers de Tampa Bay, c’est l’occasion de revenir sur l’économie plus que florissante de cette discipline. A des années lumières de notre football européen.

En France, l’événement, diffusé pour la première fois sur la chaîne l’équipe, a été vu par 398 000 personnes, un record pour une chaîne de la TNT, encore plus pour une diffusion nocturne, à 3h du matin. De l’autre côté de l’Atlantique, ils étaient 98 millions devant leur poste, à assister à la victoire des coéquipier de Tom Brady, superstar de foot US, avec ses 7 victoires en National Football League (NFL). 

MONEY, MONEY, MONEY

Le foot US est un sport en plein développement en France, en plein boom, qui attire de plus en plus de fans et de supporters, attirés par ce sport viscéralement américain, mis en scène et popularisé par de nombreux films et séries, marqué par un Entertainment développé et cadré comme une formidable machine hollywoodienne.  

C’est simple, le foot US est autant du sport qu’un spectacle artistique. Durant une rencontre, on y mêle affrontement physique, concert, manifestation, échange et lien social. Et c’est surtout l’occasion d’une très forte consommation, soutenant une économie prospère et fortunée. Le foot US serait en quelque sorte le reflet de la société mercantile américaine, l’image du capitalisme tout puissant, démonstratif et abondant. 

Depuis sa création, en 1920, la NFL a toujours misé sur la croissance économique et l’opulence, avant le développement et l’intérêt sportif. Dès 1922, après une décision de la Cour Suprême, il a été acté l’idée d’une ligue fermée, tournée d’abord vers la rentabilité, empêchant de fait les relégations et donc, a posteriori, les inquiétudes des investisseurs. Ces derniers, assurés d’être présents en première division autant de temps qu’ils le souhaitent, ont pu investir abondement sans contrainte et participer, depuis quasiment un siècle, à la fortune de ce championnat. 

A présent, la NFL génère un chiffre d’affaires de plus de 16 milliards de dollars, très largement au-dessus des 5 milliards de la Premier League, considérée comme le championnat de football européen le plus riche du monde. En moyenne, le budget des 30 franchises de NFL était de 452 millions de dollars en 2019, contre 275 millions d’euros en Premier League.  

Au niveau de la valorisation des équipes, selon le classement Forbes de 2019, on retrouve 26 franchises de NFL dans le top 50 contre seulement 8 clubs de foot européen. C’est véritablement le jour et la nuit. Et la comparaison continue encore au niveau des revenus commerciaux et des recettes droits TV. Alors que du côté européen, les craintes et les incertitudes se multiplient depuis l’épidémie de coronavirus, avec notamment en France la faillite de Médiapro, la NFL n’a aucune inquiétude. 

Elle cumule quasiment 6 milliards de dollars de droits TV, entre tous ses droits TV locaux, négociés à l’échelle des Etats, les droits TV nationaux et internationaux. Très loin des droits britannique, espagnol ou allemands du foot et même au-dessus des 2,4 milliards d’euros obtenus par l’UEFA pour les droits de diffusion de la Ligue des Champions, pourtant considérée comme la compétition la plus prestigieuse du monde.  

LE MONOPOLE AMERICAIN CONTRE LA CONCURRENCE EUROPEENNE

La stabilité financière et populaire, avec quasiment 100 millions de personnes tous les ans devant le Super-Bowl et entre 15 et 20 millions de téléspectateurs à chaque rencontre de saison régulière, permet en retour d’attirer des annonceurs et des partenaires. Les revenus commerciaux atteignent ainsi la somme faramineuse de 1,5 milliard de dollars, en croissance continue depuis 10 ans. Les organisateurs bénéficient de la très forte exposition, mais aussi de la position de monopole de la discipline. La NFL est en effet la seule à proposer un spectacle aussi impressionnant en foot US, il n’y a pas de concurrent digne de ce nom, au Japon, en Amérique Latine ou encore en Europe. Si l’on veut voir du foot US, il faut regarder le championnat nord-américain.  

Et c’est peut-être ce qui explique sa force et l’incapacité, pour le football européen à pouvoir rattraper son retard. Sa force économique n’est pas expliquée, en tout cas aujourd’hui, par son fonctionnement ou son modèle, avec sa ligue fermée, sa régulation et sa redistribution particulière. Sa force, c’est surtout son monopole. Alors qu’avec le ballon rond, la Ligue des Champions est en compétition avec les ligues nationales, elles-mêmes en concurrence les unes par rapport autres, et on peut même rajouter les championnats sud-américains, les compétitions internationales et les ligues émergents asiatiques.  

Reprenons les propos d’Andrea Agnellin, président de la Juventus et du syndicat européen des clubs, l’ECA. Pour lui, « si la NFL réussi à générer plus de 5 milliards d’euros de droits TV, il faut que le foot européen y arrive, parce que c’est le sport le plus populaire du monde. […] Pour cela, inspirons-nous de ce modèl e ». Il semblerait donc que même en imposant une ligue des champions fermée, une régulation en faveur des plus gros ou n’importe quel principe nord-américain, cela ne marcherait pas. Car, plus que n’importe quel outil, le foot est victime de sa popularité, on y joue partout donc on peut regarder un match partout. 

Alors qu’en foot US, vous ne regarderez que des rencontres de NFL et surement pas une demi-finale opposant les Molosses d'Asnières aux Blue Stars de Marseille...

Pierre Rondeau

Pierre Rondeau
Pierre Rondeau
Economiste du sport - Journaliste - Co-directeur de l'Observatoire Sport et Société Jean Jaurès

Pierre Rondeau est professeur d'économie à la Sports Management School, spécialiste en économie du sport et en économie du football. Il est également co-directeur de l'Observatoire du Sport à la Fondation Jean Jaurès et chroniqueur pour So Foot & L'Equipe.

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