Le sport français vit encore des heures difficiles

Le sport français vit encore des heures difficiles

Pierre Rondeau

Alors que l’épidémie de covid19 a bouleversé nos quotidiens depuis maintenant plus d’un an et que 16 départements français vont connaître leur 3 e confinement, le secteur du sport connait d’importantes difficultés financières. Jusqu’à un éclatement ? C’est toute l’inquiétude.

On savait que le sport avait été largement ébranlé lors du premier confinement. Les fermetures administratives et les arrêts des activités, tant pour les clubs que pour les entreprises de loisir sportif, avaient été un terrible frein à ce secteur qui pesait, jusqu’ici, plus de 39 milliards d’euros dans l’économie française. 

Rien qu’avec le football professionnel, les pertes sur toute l’année civile 2020 se chiffraient à 1,3 milliard d’euros. Quant aux autres disciplines, les déboires se multipliaient et l’inquiétude grandissait. Certes, dès avril 2020, le gouvernement avait intégré le monde du sport au plan de soutien de 300 milliards d’euros, et avait même établi un plan spécifique de 240 millions d’euros, uniquement dédiés aux clubs, à la compensation des pertes de billetterie et à la rénovation des infrastructures. En ce qui concernait les entreprises de loisir sportif, comme les salles de musculation ou d’escalade, elles pouvaient compter sur une application inconditionnelle du chômage partiel pour ses salariés et une exonération partielle et progressive des charges sociales.  

On espérait véritablement que tout reparte, en tout cas que rien ne se désagrège durablement. Même avec la rentrée, où la peur de l’épidémie n’avait pas bougé, avec de nombreuses baisses de licenciés et d’adhérents, de 5 à 25% selon les disciplines et les fédérations, on continuait à espérer à des lendemains meilleurs, à croire que le sport pourrait se réinventer et survivre. L’espoir demeurait sur la pratique. En effet, depuis 6 mois, les Français avaient considérablement augmenté leur pratique, certes individuelle et autonome, mais ils n’avaient pas perdu le goût du sport. Au contraire. 

Virgile Caillet, délégué Général de l’UNION sport & cycle, régulièrement faisait état d’une pratique en hausse de 10 à 30%, admettait que les Français, sitôt les confinements arrêtés et les restrictions réduites, allaient retourner dans les salles de sport et adhérer à des clubs et des associations. Malheureusement, l’optimisme était très grand et l’ambition trop importante. 

DES ETUDES ASSEZ ALARMISTES

Les premières études, dévoilées par le Cosmos, représentant syndical des entreprises de loisir sportif et des clubs professionnels, font aujourd’hui état d’une baisse du nombre des licenciés et des adhérents, les cotisations sont en chute libre et les demandes de remboursement se multiplient. En mars 2021, 45% des membres du Cosmos interrogés déclarent avoir perdus de 20 à 50% d’adhésion par rapport à mars 2020, juste avant le début du premier confinement. 2% en ont perdu plus de 50% et se sont déclarés en dépôt de bilan. 

41% des entreprises disent avoir perdu l’équivalent de 40% ou plus de leur chiffre d’affaires total en seulement 1 an, après 8 mois cumulés de fermeture administrative et de mesures sanitaires. 14,10% se situeraient au-dessus des 50% de pertes. Concernant la trésorerie et les réserves, 47% n’ont plus que 6 mois de fonds ou moins pour tenir. Autrement dit, si la crise venait à se prolonger jusqu’à la rentrée prochaine, la moitié des entreprises de loisir sportif ne pourrait plus faire face aux aléas conjoncturels et risquerait bel et bien de disparaitre.  

Il faut bien comprendre ici que, dans l’économie du sport, les revenus liés aux adhésions, aux cotisations des membres et des pratiquants, selon une étude du Centre de Droit et d’Economie du Sport, représente plus de 45% des ressources des clubs et des entreprises. Le reste étant généré par les événements sportifs et extra-sportifs, qui n’ont plus lieu, les reversements fédéraux, à la baisse, et les subventions publiques, heureusement maintenues. Si vous coupez la possibilité de pratiquer, si vous ne soutenez pas la fidélité et l’échange et si, dans le même temps, vous n’apportez pas la possibilité aux clubs de résister et de tenir, via des aides dédiées par exemple, des fonds spécifique de sauvegarde ou des transformations d’adhésion en dons déductibles des impôts, vous prenez le risque de tuer et de faire éclater ce secteur. 

UNE NOTE D’ESPOIR

C’est vers cela qu’on se dirige. Il va falloir véritablement réinventer le secteur sportif et trouver des solutions pour, rapidement et durablement, le sauver et le relancer. Et il y a des mérites d’espoir, la mise en place généralisée du masque spécifique à la pratique sportive en est une, comme la réussite de la politique vaccinale, qui laisse entrevoir de fortes possibilités, et la lutte efficace contre l’épidémie. Du côté des entreprises sportives, leur tâche sera de trouver de nouvelles solutions pour attirer un nouveau public, retrouver sa clientèle perdue et redynamiser ses recettes d’exploitation grâce à une révolution de sa philosophie.  

La situation est actuellement très inquiétante mais le futur laisse entrevoir des possibilités infinies. Parmi celles-ci, plusieurs seront positives et fortes. Ne reste plus qu’à les créer. 

Pierre Rondeau

Pierre Rondeau
Pierre Rondeau
Economiste du sport - Journaliste - Co-directeur de l'Observatoire Sport et Société Jean Jaurès

Pierre Rondeau est professeur d'économie à la Sports Management School, spécialiste en économie du sport et en économie du football. Il est également co-directeur de l'Observatoire du Sport à la Fondation Jean Jaurès et chroniqueur pour So Foot & L'Equipe.

Blog
Qui sont les meilleurs influenceurs sportifs français ?

Qui sont les meilleurs influenceurs sportifs français ?

La technologie sportive : quel rôle dans le sport de haut niveau ?

La technologie sportive : quel rôle dans le sport de haut niveau ?