La Super-Ligue européenne va-t-elle revenir ?

Après une première tentative infructueuse, en avril 2021, on pensait le projet de Super-Ligue Européenne de football définitivement abandonné. Pas vraiment, les tractations ont toujours eu lieu et il semble que l’UEFA, l’instance européenne, commence à s’inquiéter d’un probable retour. Jusqu’à une révolution définitive ?

Rappelez-vous, courant avril 2021, après des mois de souffrances économiques liées à la crise du covid19 et ses conséquences sur les championnats, 13 grands clubs européens lançaient une compétition autonome, privée et indépendante : la Super-Ligue. Basée sur le modèle des ligues américaines, sans système de relégation, avec une régulation interne et sans possibilité de récompenser le mérite sportif externe, l’objectif était de rattraper le retour économique du football face à ses concurrents nord-américains. 

A l’époque, la plupart des promoteurs de ce projet, dont Andrea Agnelli, président de la Juventus Turin, s’étonnaient que la compétition la plus populaire, la Ligue des Champions, du sport le plus populaire du monde, le football, ne soit pas capable de générer autant d’argent que la très spécifique NFL, la ligue nord-américaine de foot US, avec ses 6 milliards de dollars annuels de droits TV. La faute en incombait directement à l’UEFA, incompétente dans sa gestion et dans l’organisation des droits commerciaux. Il fallait prendre le pouvoir et tout changer. 

Seulement, les fans ne l’ont pas entendu de cette oreille et se sont ligués contre cette Super-Ligue. Dans toute l’Europe, en moins de 48 heures, des manifestations de supporters ont eu lieu. Côté politique, même branle-bas de combat. Dès l’annonce faite, Boris Johnson, côté britannique, et Emmanuel Macron, côté France, ont appelé à changer les lois afin de faire interdire cette dissidence. Les clubs ont abandonné et le projet a été enterré, mort-né. 

On pensait alors la chose définitive, qu’on n’entendrait plus parler d’une telle idée, que le football continental allait reprendre le fil de son histoire, accompagné de l’UEFA. Mais, moins d’un an plus tard, toutes les rumeurs sont réapparues ! En fait, il faut bien comprendre quelque chose, le projet n’a jamais été tué dans l’œuf, ses promoteurs ont toujours maintenu son encéphalogramme en éveil. Mieux encore, indirectement, à travers une action du tribunal de Commerce de Madrid, une requête a été déposée auprès de la Cour de Justice de l’Union Européenne afin de vérifier si l’UEFA avait le droit, selon les traités de l’UE qui défendent et protègent la concurrence libre et non faussée, de détenir un monopole sur les organisations du football. Autrement dit, si l’instance européenne avait le droit de diriger, sans contrainte, le football paneuropéen des clubs, sans garde-fou ni contre-pouvoir ? 

Et c’est précisément là que les tensions ont réémergé. La décision de la CJUE devrait être donnée dans les prochaines semaines, certains observateurs parlent de mai 2022, et, d’après ce qu’il se dit en coulisses, les juges devraient donner raison aux dissidents, les 3 derniers que sont le Barca, le Real Madrid et la Juventus. Interrogés en off, des experts estiment que la Cour ne peut pas aller à l’encontre des textes européens et des traités votés par la commission, qu’elle ne peut pas poser une exception pour le football, alors que dans d’autres disciplines, comme en basket ou en patinage de vitesse, la concurrence est reine. On devrait donc s’attendre à un nouveau séisme dans le football, après l’arrêt Bosman de 1995 qui a acté la libéralisation des transferts. 

Sachant cela, alors que les promoteurs de la Super-Ligue avaient fait fuiter des informations concernant la nouvelle monture de leur projet, basée sur un système ouvert, reconnu par la FIFA, méritocratique, où les qualifications passeraient par le classement dans les championnats nationaux, une Ligue des Champions 2.0 finalement, l’UEFA aurait accéléré sa communication en sa faveur et aiguisé ses couteaux. 

Dès le mois de février, on apprenait notamment, avec l’ECA, le syndicat des clubs dirigé dorénavant par Nasser al-Khelaïfi, que le contrat des droits TV, pour la période 2024-2027, allait être considérablement valorisé, passant de 3 milliards à 5 milliards par an, en comptant les gains de la Ligue des Champions, de la Ligue Europa et de la Ligue Europa Conférence. De même, alors qu’il s’agissait d’une demande des clubs frondeurs, l’ECA aurait obtenu un droit de regard et un pouvoir décisionnel dans la gestion des droits commerciaux des compétitions de l’UEFA. Tout était fait, en quelque sorte, pour couper l’herbe sous le pied des adversaires. 

Et ça n’est pas fini. Jeudi 3 mars dernier, alors que le très sérieux média anglais, le Financial Times, organisait un séminaire dédié au football professionnel, la presse locale s’est épanchée sur un probable retour de la Super-Ligue. Il n’en fallut pas moins pour qu’Alexander Céférin, le président de l’UEFA, et Javier Tebas, le président de la Ligue Espagnole, vilipendent ouvertement les partisans de la fronde, les associant à Vladimir Poutine, en plein conflit ukrainien et les accusant de profiter de la guerre pour faire passer en douce ce projet. Réelle inquiétude ou coup monté pour bafouer la réputation des opposants ? On est en droit de se poser la question puisqu’interrogé, tout le monde affirme que rien n'est acté pour l’instant et que tout dépendra de la décision, par encore donnée, de la CJUE. Certains vont même jusqu’à dire que l’UEFA aurait orchestré de fausses fuites pour pourrir la réputation de la Juventus, du Real et du Barca. 

En fait, on n’en sait rien. Tout ce que l’on sait c’est que ce projet n’est pas terminé et qu’il devrait très certainement ressurgir dans les prochaines semaines. On reste seulement concentré sur la décision de la CJUE, tout dépendra de ça...