Le gouvernement ne veut pas que le sport finance le sport
Depuis les années 1960, le sport amateur, tant du quotidien que d’élite, est financé par un fonds de soutien public, abondé par différentes taxes affectées. Dans les années 2000, c’est le Centre National du Développement du Sport qui se chargeait de récupérer les montants des taxes. Puis, en 2019, c’est l’Agence Nationale du Sport qui a pris sa place, avec une nouvelle gouvernance multiple, représentée par les acteurs du sport, l’Etat et les acteurs économiques.
A chaque fois, une part, préétablie chaque année lors des votes du budget à l’Assemblée nationale, des taxes sur les droits tv du sport professionnel, des paris sportifs et des jeux de hasard, est allouée pour le budget total de l’instance dédiée au sport amateur. Cette dernière sert les intérêts des athlètes de haut-niveau et les pratiquants du quotidien. La logique est celle du sport qui finance le sport. Les professionnels, à travers leurs droits tv, abondent le budget, tout comme les fans, via les paris sportifs.
Seulement, sous les deux mandatures du président Emmanuel Macron, cette logique semble galvaudée, voire remise en cause. Bien que le budget de l’ANS et du ministère des sports, Jeux Olympiques de 2024 oblige, aient augmenté depuis 2018, le plafond de la taxe buffet et des paris sportifs n’a pas été relevé d’un iota malgré la hausse.
En 2022, la taxe sur les paris sportifs a rapporté plus de 181 millions d’euros, une croissance de plus de 50%, pourtant le plafond est resté fixé à 34,6 millions d’euros. Et la différence est directement aspirée par le budget de l’Etat. Pire côté taxe Buffet, la fameuse taxe sur les droits sportifs, le plafond a été baissé à 59,7 millions d’euros contre 74,1 millions les années passées. Et cela sans que les budgets du ministère et de l’ANS ne soient coupés. Au contraire même.
En fait, dorénavant, c’est l’Etat directement qui abonde et finance le sport. Il souhaite progressivement sortir de cette philosophie du sport qui finance le sport, voulue par le CNOSF et les instances nationales. Interrogés en coulisses, des proches du gouvernement reconnaissent que c'est une volonté claire et assumée. « Nous refusons l’idée d’un financement du sport par le sport, y compris à travers les taxes affectées »
« Déplafonner la taxe Buffet ou faire croître le montant prélevé des paris sportifs, pour répondre à l’injonction du CNOSF notamment, reviendrait à dire que l’Etat n’a plus à financer directement le sport français, la logique solidaire se transformerait en une logique verticale, du sport professionnel vers le sport amateur. Mais cela reviendrait aussi à supprimer la part de financement majoritaire de l’Etat qui ne sera pas compensée par le déplafonnement de la taxe Buffet ou la hausse des prélèvements du sport français ».
Certains vont plus loin et stipulent que c’est à l’Etat de se porter garant. « Plus d’argent pour l’Etat, c’est plus d’argent pour l’ensemble des secteurs d’utilité publique ». « Il est absurde de raisonner en terme proportionnel, de dire « lorsque le volume augmente, les dotations devraient suivre proportionnellement ». Ce qui compte pour le sport français, ce n’est pas combien mais comment. Comment l’argent est utilisé, est dépensé, est investi ? Si on donne 10, 20 ou 30 millions d’euros en plus, qu’est-ce qu’on fait en plus concrètement ? Comment, à l’échelon local, les clubs agissent et se développent ? On ne donne pas pour donner, on donne pour avoir des résultats concrets, c’est cela notre rôle pour le bien-être collectif sur plusieurs générations ».
Ainsi, avec la hausse des revenus sur les paris sportifs, notamment avec la Coupe du Monde de football, qui devrait générer au moins 600 millions d’euros de mises, aux dernières estimations, les mannes dédiées ne seront pas augmentées et l’Etat conservera la majorité des prélèvements. Il pourra ensuite procéder à des valorisations, mais seulement par choix politique, et sans que cela ne soit automatiquement proportionnel à la hausse des paris ou des droits TV. C’est un choix, que le gouvernement assume totalement.
On pourrait le déplorer, on pourrait s’en inquiéter, avec le risque notamment que le financement du sport devienne une variable politique et qu’un ou qu’une nouvelle présidente puisse le détériorer par choix. Reste que pour l’instant, les budgets augmentent et la manne dédiée ne suit pas. C’est au moins ce qu’il faut reconnaitre, le gouvernement d’Emmanuel Macron aime le sport. La question est cela sera-t-il aussi le cas des suivants ?